348 mille tonnes. C’est le volume de chocolat consommé tous les ans en France. Avec plus d’une centaine d’entreprises fabricantes, il est facile de se perdre dans le choix qui nous est proposé. Chocolat noir, chocolat au lait, chocolat blanc – il y en a pour tous les palais.
Quel est votre premier réflexe en choisissant une tablette de chocolat ? Regarder le pourcentage de cacao ? Imaginer le goût que le chocolat va avoir une fois que l’on croque dans la tablette ?
Il n’y a rien de plus naturel que de choisir son chocolat. C’est un geste presque inné que nous répétons depuis notre enfance. Notre mémoire gustative se rappelle encore des premiers lapins au chocolat, trouvés lors de la chasse aux œufs. Depuis, nous sommes guidés par le goût, mangeant du chocolat dont le goût nous est familier, ou bien essayant de nouvelles saveurs, pour les plus aventuriers d’entre nous.
Et si je vous disais que le choix du chocolat était plus complexe que cela ?
Oui bien sûr, le goût est un aspect fondamental. Mais vous allez voir que votre choix peut aussi se baser sur d’autres critères, tout aussi importants, et souvent négligés.
Nous allons plonger ensemble dans le monde du chocolat et vous donner toutes les clés nécessaires pour vous aider à choisir la tablette parfaite.
Le critère fondamental – le goût
Évidemment, le goût est le premier critère qui nous guide dans le choix du chocolat parfait. Celui-ci est influencé non seulement par la qualité des ingrédients utilisés, mais également par la provenance du cacao.
Saviez-vous que le chocolat noir ne comporte que 3 ingrédients de base ? La pâte de cacao, le beurre de cacao et le sucre. Rien d’autre. Certaines marques se passent même du beurre de cacao, ce qui rend la fabrication du chocolat plus laborieuse, sachant qu’il aide à fluidifier le chocolat. C’est un parti pris qui permet d’apprécier toute la complexité des arômes d’un chocolat.
Pour fabriquer du chocolat au lait, on ajoute du lait à nos 3 ingrédients de base. Enfin, concernant le chocolat blanc, il est composé uniquement de beurre de cacao, de lait et de sucre.
Pour libérer leur créativité, les artisans chocolatiers ajoutent également d’autres ingrédients, comme des fourrages, des éclats de caramel, des fruits secs ou des épices (comme la vanille ou la cardamome).
Au-delà de ces quelques ingrédients fondamentaux, il faut s’inquiéter. Si vous voyez une tablette de chocolat avec une liste d’ingrédients longue comme le bras et avec des noms imprononçables, cela ne présage rien de bon.
À titre d’exemple, pour déguster le chocolat dans son état naturel, essayez d’éviter le chocolat contenant de la lécithine (E322). Il s’agit d’un corps gras issu de soja, de tournesol, de colza, d’œuf ou de graisse animale, qui joue deux rôles dans la fabrication du chocolat:
- en tant qu’émulsifiant, la lécithine permet de stabiliser et fluidifier le chocolat pour obtenir une texture homogène
- en tant que stabilisant, elle prolonge la durée de conservation du chocolat.
La lécithine est souvent utilisée à la fois par les fabricants industriels et par les artisans chocolatiers. En faibles doses, elle n’est pas dangereuse pour la santé, sauf pour les personnes allergiques au soja ou aux œufs. C’est son origine, souvent méconnue, qui pose problème, notamment pour la lécithine de soja. Si le soja utilisé pour la lécithine a été chimiquement traité, nous allons retrouver des résidus de pesticides nocifs pour la santé. Le manque de traçabilité peut également nous amener vers le soja contribuant à la déforestation massive (source). La lécithine n’est pas indispensable pour la fabrication du chocolat. Elle permet simplement de faciliter le travail et de diminuer le coût de production.
Évitez également tous les arômes ajoutés, qu’ils soient artificiels ou naturels. Privilégiez les ingrédients bruts, ou réduits en poudre, comme des fruits lyophilisés ou des épices.
Le développement aromatique du chocolat vient également de la qualité et de la variété du cacao, ainsi que de toutes les étapes de la culture et de la fabrication. Tout ce qu’il se passe entre l’arbre et le travail du producteur a un impact sur le goût. La qualité de la terre, la variété de l’arbre, la récolte, la fermentation, le séchage et le stockage – chaque étape de la chaîne influence le goût. C’est pourquoi il est important de connaître la provenance du cacao et son mode de culture.
Le goût n’est donc pas qu’une affaire de goût.
Le deuxième critère – social
Les principales régions de production de fèves de cacao sont l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale, l’Amérique Latine et l’Asie du Sud-Est. Ce n’est pas un hasard, car les meilleures conditions climatiques pour la culture des fèves de cacao sont proches de l’Équateur.
Selon Chloé Doutre-Roussel, spécialiste du cacao et du chocolat fin, il existe trois grands types de marché de cacao:
- le cacao conventionnel, dont le prix est fixé en bourse des matières premières et qui n’est pas qualitatif
- le cacao labellisé, qui remplit des critères environnementaux (bio) et sociaux (équitable), mais ne garantit pas la qualité du goût
- le cacao de qualité, qui n’est pas forcément labellisé, mais dont l’origine est 100% traçable et dont le goût est exceptionnel
Pour autant, il nous est impossible de connaître la provenance de la majorité de la production de cacao, car il s’agit du cacao conventionnel. Comme le prix de celui-ci est spéculé en bourse des matières premières, il est constamment tiré vers le bas. Non seulement les qualités gustatives de ce cacao ne sont pas au rendez-vous (du fait de l’opacité de la culture et de la production), mais il provient des exploitations où les cacaoculteurs vivent sous le seuil de pauvreté et où le travail des enfants n’est pas rare.
Une fois que l’on se rend compte des conditions de vie des cacaoculteurs conventionnels, le chocolat prend un goût bien amer. Selon moi, le choix du chocolat ne se limite pas uniquement au goût, mais prend en compte également l’aspect social de la chaîne de production. D’ailleurs, un chocolat fabriqué de manière équitable aura un impact positif sur son goût. L’équation est donc simple: le bon chocolat est forcément un chocolat produit de manière équitable.
Essayez de privilégier des marques qui travaillent directement avec des producteurs ou avec des coopératives équitables qui rémunèrent correctement les cacaoculteurs. Elles investissent également dans des projets visant à améliorer les conditions de vie des producteurs et de leurs familles. Certaines coopératives visent à augmenter la valeur ajoutée de la matière première en laissant les producteurs transformer les fèves en masse de cacao.
Le troisième critère – environnemental
En plus de l’impact social, la culture des fèves de cacao a un impact considérable sur l’environnement. Les exploitations intensives qui cherchent un haut rendement pratiquent la monoculture responsable de la destruction des forêts tropicales.
Concrètement, une fois que la forêt est déboisée, les producteurs plantent des cacaoyers dont la variété a été choisie pour sa résistance aux maladies. La disparition des arbres enlève également l’ombrage qui protège les cacaoyers du soleil et qui apporte de la pluie. Les producteurs doivent alors mettre en place un système d’irrigation. Problème : ces systèmes sont très gourmands en eau. À cela, s’ajoute l’utilisation des pesticides et des fertilisants, car avec la disparition de la forêt, les sols perdent leur fertilité naturelle et la production décroît, comme le souligne Cesar Paz, le président du label Symbole des Producteurs Paysans (SPP).
Au Ghana et en Côte d’Ivoire (⅔ de la production mondiale), la culture des fèves de cacao est le premier facteur de déforestation (source). Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous permettre de négliger l’impact environnemental de chacune de nos actions. Il n’en est pas autrement pour le chocolat. À mon sens, tout comme le goût et l’aspect social, la question de l’impact sur l’environnement devrait faire partie des critères essentiels qui nous guident dans le choix du chocolat.
Je vous recommande de privilégier le chocolat dont le cacao a été cultivé de manière biologique en prenant en compte des pratiques d’agroforesterie. Ceci est possible grâce à la culture extensive, où les producteurs cultivent quelques cacaoyers, quelques arbres fruitiers et quelques arbres pour la vente du bois. Étant donné que les producteurs possèdent seulement entre 3 et 5 ha de terres agricoles, ce système, bien que vertueux, est difficilement viable pour les nourrir. C’est pourquoi ils se regroupent dans des coopératives qui permettent de bien les rémunérer.
Le mouvement bean-to-bar
Alors comment savoir si mon chocolat respecte tous les critères gustatifs, sociaux et environnementaux ?
Malgré leurs lacunes, être vigilant aux labels d’un chocolat est un premier bon réflexe. Par définition, un label ne garantit pas la qualité gustative du chocolat, mais il se concentre sur quelques critères bien définis : la rémunération des producteurs, l’agriculture biologique, ou encore l’agroforesterie. Dans certains cas, les labels manquent d’ambition, car ils n’imposent pas, mais seulement encouragent des pratiques vertueuses. En effet, sans avoir des objectifs mesurables clairs, il est compliqué de vérifier si une marque a véritablement progressé dans certains domaines, même si elle détient un label. (source).
Une alternative aux labels est le mouvement bean-to-bar (trad.: de la fève à la tablette), qui met l’accent non seulement sur la provenance du chocolat, mais également sur la qualité du chocolat, car la production est maîtrisée de A à Z. Cette initiative, fondée dans les années 2000, consiste à sélectionner des fèves de cacao directement auprès des producteurs et à produire le chocolat à partir de la matière brute, en passant par toutes les étapes de fermentation, de séchage, de torréfaction et de broyage. Ainsi, toute la chaîne de la production est maîtrisée et permet de fabriquer un chocolat d’une qualité irréprochable, qui respecte le terroir, les producteurs et les consommateurs.
La traçabilité et les qualités gustatives d’un chocolat ont un prix, qui n’est pas négligeable. Une tablette de chocolat bean-to-bar se situe entre 8€ et 15€, ce qui est un prix nettement supérieur à la moyenne du marché. Ce prix nous permet de nous rendre compte de la valeur du travail de chaque acteur de la chaîne de production.
Réduire l’impact de notre consommation
Tout ce que nous consommons a un impact. Il n’est peut-être pas visible immédiatement, mais il existe bel et bien quelque part. Il en est de même pour la chasse aux œufs. Ce chocolat de Pâques qui fait plaisir à certains enfants, prive d’autres à se nourrir correctement. Les personnes qui cultivent et récoltent des fèves de cacao utilisées pour la fabrication de notre chocolat traditionnel n’ont pas les moyens de s’acheter une tablette de chocolat. Le paradoxe est là. Le plaisir de l’un est le malheur de l’autre. Tout ce que nous consommons a un impact. Même le chocolat. Surtout le chocolat.
Au-delà du goût, qui reste le critère primordial, nous devrions faire rentrer dans la balance également des critères sociaux et environnementaux, qui font partie indissociable du chocolat.
Choisir un bon chocolat signifie s’intéresser à sa provenance et regarder scrupuleusement l’emballage, qui nous fournit toutes les informations. La liste des ingrédients courte, le pourcentage de cacao (s’il s’agit de chocolat noir ou du chocolat au lait), la variété du cacao et la provenance des fèves de cacao.
Certes, le prix du chocolat de qualité et produit de manière responsable est nettement supérieur au prix d’une tablette de chocolat classique. Mais c’est un prix juste qui permet de bien rémunérer tous les acteurs de la chaîne de production.
Jadis, le chocolat était un aliment de luxe, dégusté pendant des occasions particulières. Et si on revenait à cette notion ? La surconsommation nous a fait perdre la notion de la valeur des choses. Peut-être l’une des solutions serait de consommer moins, mais mieux.
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