Pascal, le jardinier marin

par | Mai 29, 2023 | Portrait producteur | 0 commentaires

Depuis 10 ans, Pascal Lannuzel pratique la cueillette d’algues à Landunvez, dans le Finistère, bien qu’il y ait été initié dès son enfance. Avec Pascal, nous avons passé la matinée à discuter des algues, de l’environnement, des recettes et de la vie. Une rencontre extrêmement riche que je vous propose de découvrir.

 

Je continue mon tour de Bretagne et j’ai l’impression que j’ai atteint le bout du monde. À l’extrême ouest du Finistère, le paysage devient sauvage. C’est au milieu des landes et des côtes rocheuses que je retrouve la maison de Pascal.

Ce paysan de la mer est installé à Landunvez, une petite commune rurale dont les habitants vivent dans la symbiose avec la mer. Il pratique la cueillette d’algues à laquelle il a été initié dès son enfance. Il m’attend en bas, près de la route, avec un grand sourire, car mon GPS a du mal à trouver son adresse exacte.

En montant vers sa maison j’aperçois dans son jardin deux séchoirs, fabriqués par ses soins pour créer les conditions parfaites pour le séchage optimal des algues. Il m’explique avoir trouvé un parfait équilibre entre l’ergonomie, le gain d’espace et l’hygiène.

En écoutant les explications de Pascal, j’ai l’impression que le séchage d’algues est une science à part entière.

“Je joue entre l’ombrage et le vent pour trouver le séchage optimal. Parfois je les sèche à l’horizontale, parfois à la verticale, toujours dans le but de trouver la meilleure manière de les sécher, car les algues captent rapidement l’humidité. C’est un métier qui est en constante évolution. Tout est à inventer !”

le cueilleur d'algues

Pascal devant les séchoirs dans son jardin (📸 Zuzana)

On entre dans la maison et dès l’entrée un parfum iodé et sucré à la fois me frappe. 

“Voilà mon stock d’algues séchées.” Il me tend un des sachets remplis de paillettes rougeâtres. “Celle-ci est la dulse. Je la reconnais immédiatement dans la mer, même les yeux fermés, car elle est très douce au toucher, comme une caresse. Il suffit de passer la main dans les cailloux où elle se cache.”

Il effectue 99% des ramassages près de la maison, car cet endroit cache des petites criques avec des algues de qualité. Pour Pascal, il est important de respecter la saisonnalité de chaque espèce d’algue et de les cueillir de manière responsable. 

“Je fais du qualitatif dès la récolte. Je prends mon temps pour sélectionner les meilleures algues avant de les cueillir, pour préserver les autres et ne pas les jeter inutilement après la récolte.”

Certains récoltants travaillent aussi en été, mais Pascal évite de le faire pour ne pas perturber les algues, déjà stressées par le soleil. À marée basse, elles passent de plusieurs mètres de profondeur dans le milieu aqueux à l’air libre au soleil qui est de plus en plus fort. Ainsi, les algues deviennent blanches, car elles ont du mal à supporter des changements de température aussi importants. Il préfère donc attendre l’automne.

La plupart du temps il récolte aux ciseaux, pour permettre aux algues de repousser. Toutefois, pour certaines algues c’est contre-productif. 

“Depuis 3 ans, je participe aux études scientifiques sur la croissance des algues et lors de mes cueillettes j’ai remarqué que lorsqu’on coupe certaines algues, elles repoussent de façon atrophiée et ne se développent pas bien. Dans ce cas, il vaut mieux les arracher pour qu’elles libèrent la place pour une nouvelle algue.”

kombu royal

Kombu royal (📸 Pascal Lannuzel)

En écoutant Pascal, je me rends compte de la relation qu’il a développée avec ces légumes de mer dont il parle avec beaucoup de tendresse. “Chaque algue a ses niches particulières. Certaines aiment les eaux courantes et s’installent dans les vallées, d’autres préfèrent des endroits au calme, où il reste un peu d’eau. Elles ont chacune leurs préférences.”

Par ailleurs, aucun de ses produits n’est certifié bio. “J’essaie de faire prendre conscience aux gens qu’on habite un endroit où il y a encore des zones sauvages et c’est plus important qu’une certification bio.” La zone où il travaille est considérée comme une “zone en très bon état écologique” ce qui attire de plus en plus de cueilleurs d’algues. Cela pousse à davantage d’exploitation, mais heureusement, les régulations en matière de nombre de récoltants sont strictes.

Cette zone, il la connaît très bien, car c’est un enfant du pays. Même s’il a grandi à Brest, il passait toutes les vacances dans la maison familiale à Landunvez, le village où l’on se situe. “Quand j’étais petit, j’allais à la récolte des algues pour gagner de l’argent de poche. J’ai tout appris avec les anciens.”

Après quelques années passées à Paris, il est vite retourné en Bretagne, car la passion pour la mer était trop grande. “Il y a 10 ans, personne ne récoltait des algues dans le coin, donc je m’y suis mis”. Il a tout appris sur le tas, même si ses études en biologie et chimie marines l’ont aidé à comprendre cet écosystème complexe. Depuis des années il travaille seul et cela lui convient parfaitement, car il ne souhaite pas agrandir son activité. “Je souhaite garder la qualité de mes récoltes et ne pas sombrer dans le quantitatif que j’étais contraint de faire au début de ma carrière.”

Une fois la récolte faite, il rince les algues à l’eau de mer, jamais à l’eau douce. Les algues étant habituées à l’univers marin, l’eau douce risque de faire éclater les cellules des algues et ainsi altérer leur goût. Sans parler d’un coût écologique important, notamment pendant les sécheresses quand l’eau douce se fait rare.

Après le séchage des algues à l’air libre, il les broie et effectue un contrôle de qualité. Une fois ces différentes étapes passées, soit il conditionne les algues déshydratées et broyées dans des sachets (prêtes à la vente), soit il produit des tartares d’algues. “Je travaille les recettes avec ma femme, car elle m’aide à bien doser les ingrédients. Par exemple pour le tartare épicé, je peux vite m’emporter avec le côté piquant que j’adore, donc elle est là pour me calmer.” 

Tous les ingrédients des tartares d’algues sont bio et certains proviennent du Finistère.

Le tartare d’algues nature de Pascal (📸 Zuzana)

Mais comment cuisiner des algues ?

Pascal reçoit cette question très souvent. “Je leur explique qu’ils doivent cuisiner ce qu’ils savent faire et qu’ils ajoutent des algues en fin de cuisson ou directement dans leur plat.” Il ne préconise pas de cuire à l’eau les algues séchées, car cette réhydratation va les dénaturer.

Les algues sont délicieuses par exemple avec des pâtes, des œufs (œufs brouillés, quiche), des fruits de mer. La laitue et la dulse se marient parfaitement avec du sucré, donc il est possible de les ajouter dans les recettes des gâteaux au chocolat, des mousses au chocolat ou même des glaces maison (à la fraise et dulse).

Pascal adore préparer du guacamole aux algues et même des crackers d’algues. “C’est excellent pour l’apéro, à condition de bien doser les algues.” On peut même préparer du pain aux algues ou du beurre aux algues. “En réalité, on peut utiliser les algues partout, un peu comme du safran, par parcimonie, juste pour relever le goût.”

Si vous êtes en panne d’idées, je vous propose cette recette simple de tarte à la patate douce et aux algues. C’est super délicieux !

En été, vous pouvez retrouver Pascal sur les marchés locaux aux alentours de Landunvez – il serait ravi d’échanger avec vous !

Ses produits sont également disponibles sur son site internet Naturalgue.

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